jeudi 24 février 2011

Cthulhu

Un film Cthulte?

Cthulhu, réalisé en 2007 par Daniel Gildark, est aux antipodes des films "Lovecraftiens" habituels. Pas d'effets gore, un rythme lent, et un parti pris qui en a dérouté plus d'un, le héros étant... homosexuel. Ce détail suscita de nombreuses réactions, très bêtes, dithyrambique ou... assez négatives il faut le dire, et  entraina aussi un malentendu qui a nuit à la réputation et à la diffusion du film en salle, en France notamment.

Le héros du film est gay car, c'est un film...gay (même si le réalisateur à un autre point de vue - voir les liens en bas de page), plutôt militant, distribué et coproduit par Here Films spécialisé dans le genre gay, lesbien et bissexuel. C'est aussi un film fantastique indépendant la maison de production Regent Releasing étant spécialisée quand à elle dans ce type de cinéma. Une simple visite sur les sites des producteurs aurait permis peut être de regarder le film autrement, avec un esprit plus ouvert et se concentrer sur les qualités filmiques de l'œuvre et les intentions premières des auteurs par rapport à la nouvelle originale.

 
L'histoire

Un professeur d'histoire, gay et vivant à Seattle retrouve sa famille sur la côte de l'Oregon à...Rivermouth, dont il est séparé depuis des années afin de remplir les dernières volontés de sa mère morte depuis peu. Il en était parti car en désaccord avec son père, devenu grand prêtre d'une secte locale New age et apocalyptique qui réprouve son homosexualité et qui aimerait lui passer le flambeau au sein de la secte. Elle lui a laissé une cassette vidéo lui annonçant qu'une malédiction pèse sur toute la lignée mâle de la famille, ces derniers mourant jeunes et disparaissant le 1er mai et cette date approche...

Dans une note Dan Gildark parle de la thématique principale du film :

"Ce vers quoi Grant [le scénariste n.d.t] se tourna vers était un livre qu'il avait lu lors d'un voyage à travers le pays quelques années auparavant: les œuvres complètes de H.P. Lovecraft. Les sentiments que nous avions aujourd'hui ont été les mêmes que ceux qu'il avait connu pendant la lecture de ces histoires;  l'idée qu'il y a des force à l'œuvre dans cet univers bien au-delà de notre contrôle et de notre compréhension. Nous avons suque faire un film à partir de ce matériau, aurait été une histoire ou tout le monde pouvait s'identifier. L'histoire qui nous a sauté aux yeux était le "Cauchemar d'Innsmouth", une histoire de  retour à la maison et qui reflétait l'expérience de beaucoup de nos amis qui étaient gays ou artistes, ou les deux, et qui avaient quittés la maison dès qu'ils le pouvaient. Ne collant pas avec leur environnement, ils ont fuis vers les grandes villes et trouvèrent des gens partageant les mêmes idées et ont formés de nouvelles familles et des alliances. Finalement, ils ont été rappelés à la maison quand quelqu'un dans la famille  était mort ou  marié ou tombé malade et ils ont du retourner vers  tout ce qu'ils avaient, à leur avis, laissés derrière eux. Pour Lovecraft la chose la plus terrifiante imaginable était l'inévitable horreur de l'hérédité - de ne pas pouvoir échapper à qui vous êtes et à ce qui est dans votre sang. Donc, ce film se déroule dans un monde sur le point de se désagréger; la vraie terreur découlant de ne pas avoir le contrôle sur qui nous sommes vraiment. Bien que notre situation politique est inséparable de l'art, le film à sa base reste "encore" une histoire d'un retour à la maison."

Maudite hérédité

Les thèmes Lovecraftiens de l'histoire sont ainsi habilement transposés à notre époque  et le film développe cet aspect de la malédiction de l'hérédité, ici une hérédité non pas pathologique ou génétique mais sociale: la pression familiale et communautaire sur un de ces membres réprouvé car homosexuel qui perds une fois de plus ses repaires dans une ville et une vie ou il n'en n'avait franchement pas. Pas d'allusion à une (prétendue) homosexualité latente de Lovecraft ou une vengeance envers l'auteur qui ne portait pas la communauté gay dans son cœur (entres autres communautés) comme j'ai pu le lire, mais une habile déviation sur ce thème du retour  et de la malédiction héréditaire traité d'une facon.... moderne tout en gardant la trame de la nouvelle. Cthulhu donc n'est pas une adaptation fidèle du Cauchemar d'Innsmouth on l'aura compris,  ce qui a pu gêner les fans.


Independant gays

Qui dit production indépendante dit peu de moyens mais Gildark s'en tire haut la main grâce à un scénario intelligent, une caméra alerte, un rythme lent qui sert le film, un très bon casting (Jason Cottle entre autre qui joue à merveille le rôle de ce professeur dont la vie bascule vers l'horreur et Torri Spelling en guest star surprise plutot habituée aux séries pour ados, décriée,  là aussi dans ce film, et très bêtement, ou elle tient parfaitement son personnage), une photo irréprochable et surtout le choix de la ville de Rivermouth, en fait la ville d'Astoria, dans l'Oregon, sur la cote nord ouest des États-Unis, et donc à l'opposé de l'endroit ou est censé se passer la nouvelle (Newburyport est dans le Massachusetts et sur la cote nord est du pays). Un choix plus qu'intelligent car l'atmosphère, les décors naturel  de la ville, le Pacifique aux vagues démontées, sont  pour beaucoup dans la réussite de  film. Astoria est Innsmouth.

Torri Spelling et Jason Cottle
La tension de l'hsitoire monte crescendo et Gildark grâce a tout ce que nous avons pu dire précédemment nous amène vers la conclusion sombre du film, fidèle à la nouvelle. Les scènes de cauchemars sont particulièrement réussies comme celle de la découverte par le héros des "œufs" de profonds ou encore la scène de l'appartement avec le petit garçon qu'un David Lynch n'aurait pas reniée. Pour ma part rien à jeter dans Cthulhu qui tout en n'étant pas un film Lovecraftien "pur" (c'est quoi au fait?), transmet à merveille l'atmosphère de la nouvelle tout en abordant des thématiques modernes sur la difficulté d'être soi, et l'impossibilité d'avoir le contrôle sur quoi que ce soit ce monde moderne en roue libre qui se déchire et nous entraine vers les abysses.

En ce sens Cthulhu reste, est,  un film Lovecraftien.

Conclusion

Intéressant, sur l'excellent site, Schizodoxe et dans la non moins excellente section: la Fosse aux Shoggoth, une critique: négative, tempérée quelques jours plus tard par une positive, plus ou moins et  qui donne un petit aperçu des interrogations que suscita ce film. Un conseil: allez voir par vous même de quoi il retourne!

Le DVD est en vente sur différents site, souvent en VO non sous titrée malheureusement, mais on peut trouver les sous titres sur la toile (et quelques DVD Zone 2) et bidouiller le tout sur son ordinateur ou en évoquant le Nécronomicon ;0)

Liens
Jason Cottle en mauvaise posture

1 commentaire:

  1. Décalés par sa réalisation comme par le pari risqué du scénario c'est une réussite :)

    Le fait que le personnage soit gay est surtout une manière de l'amener à avoir été pousser à l'exil loin de sa famille tout autant qu'être en contradiction avec l'ambiance puritaine et le rôle d'héritier là où il préfère une vie choisie et indépendante.

    Malheureusement pour lui les Grand Anciens en ont décider autrement ... pour notre plus grand bonheur ^^

    RépondreSupprimer